Note minérale

Durant sa résidence au Fonds de Dotation Verrecchia, Chloé Jeanne a pu appréhender ce nouveau matériau qu’est la pierre calcaire à travers une expérience et une expérimentation sensible. Cette pierre sédimentaire a la particularité d’être poreuse et friable, ce qui lui donne la capacité et l’avantage d’être un support olfactif idéal. En parfumerie il n’existe pas de note minérale à proprement parler si l’on considère que les odeurs viennent de la transformation d’éléments organique; la pierre étant inerte, elle ne produit pas d’odeur en tant que telle. Ce qui lui donne son odeur c’est son environnement, les lieux par lesquels elle passe, les éléments qu’elle rencontre, la vie autour d’elle.

À partir de cette observation, on peut considérer alors qu’il est possible de retracer olfactivement l’état de vie d’une pierre, en s’inspirant des milieux par lesquels elle est passée. L’artiste a identifié trois milieux : le milieu de l’extraction dit le milieu naturel de la pierre, le milieu de l’atelier - celui où la pierre est manipulée et travaillée par les machines et les êtres humains, et enfin, le milieu domestique celui où la pierre fini sa vie, un milieu que l’on pourrait considérer comme aseptisé.

Pour la création olfactive Chloé Jeanne a travaillé avec le studio Flair et ses parfumeures à partir d’une base de données, de mots, que l’artiste avait pu identifier pour chaque milieu. Les discussions et échanges avec les autres artistes et résidents ainsi que les compagnons du devoir ont nourri cette création. À l’image de la composition de la pierre sédimentaire, c’est-à-dire par stratification elles ont pu composer une odeur rassemblant ces trois milieux. Le milieu d’extraction correspond aux notes de fond de l’odeur, le milieu de l’atelier correspond aux notes de cœur et pour finir le milieu domestique correspond aux notes de tête. Ces trois notes constituent le squelette du parfum et permettent à l’odeur de trouver un équilibre et de se révéler petit à petit. La pierre devient support de la création olfactive, et prend la forme d’un triptyque de pierre a porter au nez.

Dans une volonté de mettre en avant la pierre comme matière et non plus comme simple matériau, le spectateur est alors amené à toucher, à ressentir et bien sûr à sentir ce triptyque. Un triptyque, représentant trois formes : une brute, une taillée en facette, et une ronde.... Ce travail artistique, propose d’aborder la pierre de manière sensible et sensorielle, de la penser comme un support mais aussi comme un élément d’interaction et de vie.

Nous considérons la pierre comme inerte, mais si nous la considérons plus largement dans son environnement, elle est tout autant un cimetière qu’un espace de vie. Et alors, quelle odeur aurait la pierre ? Elle sent les lieux qu’elle peut rencontrer et les choses qui ont pu la traverser. Elle s’imprègne, témoigne, raconte des histoires... reste en vie.