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Présence sensible

Exposition personnelle
Au Château de Tours
2024

Tout s’est amorcé ici, en Val de Loire. Dans ce paysage qu’habite Chloé Jeanne, aux bords de ce fleuve qui découpe la France en deux. Cette présence sensible commence là, dans l’observation et surtout dans l’expérimentation que l’artiste fait de son environnement de vie. Ayant très vite intégré la politique de co-construction de l’environnement que défend Bruno Latour lorsqu’il avance que chaque être vivant constitue notre environnement et qu’il n’en est pas seulement l’occupant puisqu’il le crée, Chloé Jeanne se mêle consciemment à ce qui l’entoure. L’artiste refuse cette position surplombante qui a envisagé l’être humain au sommet d’une chaîne du vivant. Au contraire, elle démantèle cette hiérarchie pour explorer les rouages qui font de notre monde une somme de coexistences.

Avec L’effluve des fleuves, non seulement elle observe la Loire, mais elle intervient en en désignant différentes facettes, en en décortiquant l’odeur, en manipulant ses courants, en figeant ses flots dans la cire et en sondant ses profondeurs. Pour mieux comprendre cette masse sombre qui abrite une vie foisonnante et qui fait étinceler les rayons du soleil, elle est allée interroger celles et ceux qui la côtoient de près, les Ligériens et les Ligériennes, pour leur demander quelle est leur Loire, ce qu’elle sent, quelles en sont les couleurs et de quoi elle est faite. Le croisement de ces réponses ne pouvait être autre que pluriel et multisensoriel. Projet à plusieurs voix affirmant la subjectivité, L’effluve des fleuves se vit. Il n’appelle pas seulement une contemplation distante, il s’expérimente par l’odeur d’une triple interprétation olfactive et se manipule, quémandant la présence physique et active des visiteurs et des visiteuses. Une présence sensible qui reproduit ce qui se vit quotidiennement : l’expérience de notre environnement.

Cette expérience directe, Chloé Jeanne n’a de cesse de la provoquer, de l’étudier et de l’analyser. Elle est au cœur de sa pratique d’artiste-chercheuse et se matérialise dans l’exposition par de vastes tables de recherche où cohabitent divers projets. Ici, la question du statut de l’œuvre importe : l’objet-recherche a tout autant sa place en tant qu’œuvre d’art que l’installation finale. Chercher, c’est déjà créer. Ce qui prime c’est l’expérience des matières. Celles que Chloé Jeanne travaille sont vivantes et s’adaptent aux lieux où elles évoluent. L’artiste laisse émerger la fabrication de cristaux de sel et de soude (Peintures solubles), cultive des levures, des bactéries et des champignons (Tondos ;Prototaxites, colonnes), révèle la préciosité passée sous silence de certains minéraux (Pierre Bismuth), pour inciter spectateurs et spectatrices à embrasser un monde inconnu, un univers perçu comme trop petit, trop insaisissable pour que l’on mesure combien il est essentiel.

Comme un murmure qui nous chuchote de prêter attention à ce qui nous entoure, à ce que nos yeux rationnels ne discernent pas toujours, cette présence sensible gronde du fond du château de Tours. Son identification s’éclaircit à mesure que les pas avancent. L’installation FLUX bourdonne. Mystérieuse chorégraphie qui illustre ce qui nous traverse sans que l’on ne s’en rende compte. Ce qui nous influence, ce qui nous impacte et nous cueille dans l’invisible mène au chemin de l’introspection : que vit ce corps qui évolue en symbiose avec son environnement ? Avec présence sensible, Chloé Jeanne propose quelques éléments de réponses qui, comme c’est souvent le cas dans son travail, manipule un langage scientifique, proche de celui des laboratoires, pour le tirer à l’expérience singulière de tout un.e chacun.e.

Texte de Sandra Barré, commissaire de l'exposition Présence sensible


L’effluve des fleuves

L'Effluve des fleuves
Installation
Mica et eau de loire
© Ville de Tours - F. Lafite

Le projet L’Effluve des fleuves engage la perception visuelle et olfactive des spectateur.rice.s en les invitant, par le biais d’un dispositif pluriel et polysensoriel, à plonger dans le portrait intime de la Loire. Nourri des rencontres de l’artiste avec les usagers du fleuve, autant que par la collecte d’échantillons sur ses abords, cette installation tend à rendre perceptibles des fragments invisibles et à générer une identité olfactive du fleuve en invoquant ses facettes (minérales, animales, végétales...) tout en nous invitant à repositionner notre point de vue anthropocentré. L’Effluve des fleuves s’inscrit dans la continuité d’une réflexion récente visant la reconnaissance d’une personnalité juridique de la Loire. Ce projet a reçu le soutien de la DRAC et de la Région Centre-Val de Loire pour lui permettre d’être réalisé dans une forme inédite présentée au Château de Tours.

L'Effluve des fleuves
Installation
Mica et eau de loire
© Ville de Tours - F. Lafite

L'Effluve des fleuves
Installation
Mica et eau de loire
© Ville de Tours - F. Lafite

L'Effluve des fleuves
Installation
Mica et eau de loire
© Ville de Tours - F. Lafite

Empreintes de Loire

Au premier plan
Encapsulations de Loire
, 2022, verre, hydrogel, eau de Loire

Sur les murs
Empreintes de Loire, 2022, dimensions variables, cire et colorant naturel
Portraits de Loire, 2022, PMMA, plâtre, mica, oxyde, eau de Loire

© Ville de Tours - F. Lafite

Empreintes de Loire, 2022
Dimensions variables
Cire et colorant naturel
© Ville de Tours - F. Lafite

Portraits de Loire sont des fenêtres ouvertes sur la Loire. Elles sont des fragments de ce paysage liquide avec ses multiples interprétations, correspondantes aux variations chromatiques du fleuve tout au long de son passage. Les portraits appellent au toucher car, de fait, pour les activer le spectateur devra les prendre en main et les manipuler pour qu’ils puissent révéler leur poésie contemplative. Les effets de flux, de transparence et de nuance invitent le spectateur à s’approprier et à imaginer à sa manière son portrait de la Loire.

Encapsulations de Loire.
Grâce à la particularité de l’hydrogel de gonfler au contact de l’eau, ces encapsulations de Loire révèlent des éléments de l’ordre de l’invisible. Disposées dans un vase en verre et gorgées d’eau de Loire, ces perles quasiment imperceptibles à distance deviennent visibles en s’y rapprochant. À l’image de la Loire, le niveau d’eau laisse apparaitre le contenu. Cellules d’oeufs de poisson ou étrangetés aquatiques, quelle qu’elle soit l’interprétation, il s’agit ici d’aborder la question de l’invisible et du visible dans les profondeurs aquatiques. C’est d’ailleurs avec le temps que, dans le vase, les micros éléments présents dans la Loire apparaitront et se développeront, laissant apercevoir un voile vert d’algue.

Empreintes de Loire est une série menée en collaboration avec la plasticienne Anne Lise Voisin.
Nous partons, le coffre rempli de cire, un réchaud et l’appareil photo, direction les bords de Loire. Une fois notre «spot» repéré, nous nous installons. Il faut s’armer d’une certaine patience, la cuisine est un peu longue. Nous devons adapter notre protocole en fonction du vent, de la pluie et du niveau de la Loire. Plusieurs paramètres qui nous permettent de mieux comprendre où nous nous situons. Selon les conditions, nous passons des heures à attendre que la cire fonde correctement afin de procéder au moulage de la Loire. Le temps du changement de la matière, nous amène à apprécier le paysage. Une fois la cire devenue liquide, je la fait rencontrer avec la Loire. Elle s’enfonce, disparait dans l’eau puis, presque instantanément, remonte et se fige. Liquide contre liquide, la cire se solidifie. L’empreinte née est le résultat d’une captation presque impossible, qui la rend mystérieuse et intrigante. Parfois drapée ou tentacule de pieuvre, mais aussi courant ou glaçon.
Un paysage insoupçonné du fleuve, l’envers de la Loire.


Nous vivons toutes les deux à Tours, Anne Lise depuis plus de 10 ans, moi depuis moins de 2 ans. Pourtant notre fascination pour la Loire est omniprésente pour l’une comme pour l’autre. Elle fut mon objet d’étude pour l’Effluve des fleuves, mais seulement après l’avoir abordée au travers de la lecture des textes d’Anne Lise.

Peintures solubles

Peintures solubles, 2022
PMMA, cristaux de soufre, sulfate de cuivre et sulfate de fer
© Ville de Tours - F. Lafite

Les changements d’état sont fascinants. Les liquides saturés de sulfate de cuivre, de sel, de sucre, de soufre et d’acide citrique se figent, cristallisent, cohabitent sur un seul et même support, le verre. Le temps de la cristallisation les matières premières s’apprivoisent et se positionnnent. Elles s’organisent ou parfois sèment le chaos et débordent… Les formes se font et se défont. Les cristaux deviennent alors les témoins des changements de température et de luminosité. Leurs gammes chromatiques ainsi que leurs formes évoluent en fonction du temps et de leur environnement. Les peintures solubles s’altèrent, se transforment, évoluent, vivent au fil du temps.

Peinture soluble (détail)

Autres vues de l’exposition Présence sensible

Colonnes mycélium, 2023
Mycélium, copeaux de bois, béton
© Ville de Tours - F. Lafite

Tondo, 2023 (détail)
1 mètre de diamètre
Medium, yaourt, purée de pommes de terre et colorant alimentaire
© Ville de Tours - F. Lafite

Tondo, 2023
1 mètre de diamètre
Medium, yaourt, purée de pommes de terre et colorant alimentaire
© Ville de Tours - F. Lafite

Les Habitants de la mer Morte - Éponges sauvages, 2023
Éponge naturelle, sel, miroir
Dimensions variables
© Ville de Tours - F. Lafite

Les traces, 2023
Verre, maïzena, pigment phosphorescent, lumière noire
© Ville de Tours - F. Lafite

Les traces, 2023
Verre, maïzena, pigment phosphorescent, lumière noire
© Ville de Tours - F. Lafite

Les traces, 2023
Verre, maïzena, pigment phosphorescent, lumière noire
© Ville de Tours - F. Lafite

Mycocieux, 2023
Bois, toile de jute, mycélium
© Ville de Tours - F. Lafite

Mycocieux, 2023
Bois, toile de jute, mycélium
© Ville de Tours - F. Lafite

Mycocieux, 2023
Bois, toile de jute, mycélium
© Ville de Tours - F. Lafite

Les Habitants de la mer Morte, 2022
Verre soufflé, éponge, sel, cuivre
© Ville de Tours - F. Lafite

Spores, 2020-2021
Empreintes de champignons
© Ville de Tours - F. Lafite

Spores, 2020-2021
Empreintes de champignons
© Ville de Tours - F. Lafite

Flux, 2023
Installation vidéo
En collaboration avec Jérémie Frémont
© Ville de Tours - F. Lafite

Vitrines
© Ville de Tours - F. Lafite

© Adagp, Paris