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Le Bonheur

1993 
Série de trente-huit photographies

Tirages couleur brillants contrecollés sur aluminium
Cadre bois verni, plexiglas
Dimensions : 70 x 70 cm

Collection Galerie Jacques Barbier
Collection Bernard Lamarche-Vadel
Collection Maison Européenne de la photographie

« Il s’agit de tableaux soigneusement mis en scène : un couple (dans lequel figure l’artiste), illustre trente-huit moments ou "stations" du bonheur conjugal. C’est une représentation extrêmement ironique, théâtralisée, des stéréotypes de la relation du couple (...). La beauté des lieux et la magnifique lumière créée par Florence Chevallier accentuent encore l’artificialité des postures, et la vacuité des "relations" ainsi posturées.
Le résultat est une analyse décapante, sans psychologisme ni travestissement à la Cindy Sherman. Chaque tableau est plutôt comme l’amorce d’une fiction possible, une fiction qui n’aura pas lieu, et il y a là-dedans certainement une forme de "Bovarysme" contemporain, un "Bovarysme" sans l’énergie du passage à l’acte (...). Ici règne à la fois distance et enfermement, exotisme rêvé et étouffante familiarité. »

Régis Durand, Art Press n°182

« J’y vois pour la première fois réalisé avec détermination dans la sphère de la photographie, une représentation originale, mais analogue à ce qui a été entrepris du côté de Godard et de Cassavettes sur le cinéma, de Thomas Pichon sur le roman : un réalisme radical qui est l’ironie réalisée. »

Bernard Lamarche-Vadel, octobre 1992

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« Tout est en quelque sorte trop beau dans ces photographies : l’éclairage savamment distribué, le travail des couleurs exceptionnellement dominé, les poses des personnages, les décors (car c’est bien de décors dont on a le sentiment, ni d’un milieu ancré) pour être. Vacuité glacée, paradis acide, comme dans le Corps à corps mais d’une autre manière, la confrontation à l’autre dans l’image ne fait qu’accroître la solitude sclérosée, l’absence de communication avec le monde, l’indifférence à soi-même. La sensation nauséeuse des poses hiératiques, la séduction malséante des images a de quoi irriter : elles traitent de l’insupportable. »

Jean-Claude Bélégou, Florence Chevallier, l’identité en échec, in « Limites du photographique... », thèse, 1995 Le Bonheur, 1991-1992

« Il y a des moments — et des oeuvres — dont on a soudain furieusement envie de dire quelque chose. Pas forcément pour en dire du bien ou du mal, mais parce qu’il se passe quelque chose qui se doit d’être signalé, même si l’on ne sait pas très bien à quel titre. (...)
Le bonheur, bien sûr, c’est un couple, dans les moments de sa coexistence heureuse et lassante. (...)
Dans tout cela, il y a beaucoup qui se mêle, irrite et fait la valeur du travail. Toutes les citations, volontaires et involontaires, renvoient à un genre de photographie théâtrale et picturale qui hésite sans cesse entre le roman-photo de l’art populaire et de la culture de gare, et la pose hiératique de la nouvelle peinture d’histoire. On est entre Nous deux et Jeff Wall, sans pouvoir décider lequel vaut mieux des deux. Il y a aussi la dérision du kitsch et de la pose, avec toute son artificialité inévitable. (...) Au-delà de Jeff Wall, il y a les théâtralisations de l’art académique, ou celui du narcissisme à transformation de Sherman. La peinture est, en un sens, omniprésente car on n’imagine guère que ces histoires ne soient pas peintes. Le réalisme de la photographie apparaît vite banal, mais le réalisme photographique met mal à l’aise aussi. Nous sommes tellement habitués à lui qu’il nous apparaît déjà fantastique quand il vient sous une forme moins stylisée que construite.
On a le sentiment d’un effort luxueux pour sauver encore, mais en l’immunisant, un rapport élégant à l’art qui est en déroute et ne nous intéresse plus. »

Yves Michaux, Le bonheur ? À propos de Florence Chevallier, in « Les marges de la vision, essai sur l’art (1978 - 1995) », pp. 217, 218, éditions J. Chambon, 1995

© Adagp, Paris