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Exposition à Vendôme

Triennale de Vendôme, 2015

Formé dans une école forestière en Corrèze, Olivier Leroi s'est très tôt orienté vers l'art et a été vingt ans plus tard élève de l’Institut des hautes études en arts plastiques, dirigé par  Pontus Hulten. Depuis plus de 30 ans, il s’exprime à travers différents médiums et aborde de nombreux sujets, toujours en relation avec le territoire et le milieu. Sa production artistique est exposée à la Triennale de Vendôme jusqu'au 31 octobre 2015. Son parcours artistique suscite l'intérêt du public ainsi que celui d'Art Media Agency, à qui l'artiste a bien voulu se confier le temps d’un entretien.

Tout d'abord, pouvez-vous nous raconter la façon dont vous êtes entré en contact avec le monde de l'art ? À l’origine, vous aviez suivi une formation bien différente...
Cela risque d'être long ! Je ne sais pas si l'on s'intéresse à l'art, ou si c’est l’inverse. C'est quelque chose qui vient, qui murit, mais cela doit venir d'un intérêt pour la vie. J'avais un grand-oncle qui faisait des sculptures sur bois, cela a pu m’influencer. Je suis persuadé qu’à un moment donné, soit on fait les choses, soit on ne les fait pas. Moi je les ai faites.

En ce qui concerne votre pratique artistique, vous travaillez à partir d’une pluralité de matériaux, comme le bois et le verre, mais aussi sur divers médiums, comme la sculpture, le dessin, la vidéo. Comment expliquez-vous cette diversité ?
C'est plutôt développer un rapport au monde et au milieu qui m'intéresse. Quand je travaille par exemple avec des maîtres verriers : je développe une connaissance et une pratique que je ne possède pas moi-même. Il y a toujours une rencontre qui se fait "à trois", entre, le technicien, l'artiste et le moment qui arrive et provoque le résultat.  Je n’aurais jamais pu réaliser l’objet seul et l’autre n’en aurait pas pu en être la source.

Avez-vous un médium de prédilection ?
Que je découpe une aile de libellule ou que je réalise un film pour une commande publique comme celui sur la Loire en hélicoptère, il n'y a pas de différence.

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Vous avez réalisé des films à l'étranger, notamment Première neige au Pays Dogon, au Mali. Quelle a été la genèse de ces projets vidéo ? L'idée nait-elle des voyages que vous entreprenez ou trouvez-vous l'inspiration en France, pour ensuite aller la réaliser sur place ?
C'est un peu un mélange des deux, à l'instar du titre d'un dessin : on peut le trouver avant ou après, il n'y a pas de règle. Mais le fait de m'engager dans cette voie-là m'a fait voyager. Je suis allé en Antarctique et ce fut vraiment une expérience étonnante. J'ai presque préféré le voyage ! On vivait au milieu d'une colonie de manchots, avec très peu d'êtres humains. Le fait de rencontrer de nombreux chercheurs a été très intéressant. En réalité, j'avais conçu un projet en France et une fois sur place, j'en ai réalisé un autre . Le lieu guide le travail. C'est pour cette raison que j'ai ramené le "drapeau pour l'Antarctique" .Là-bas tout est blanc et la seule présence animale terrestre est celle des manchots. C'est ce qui m'a donné envie de proposer un drapeau à partir  des  quatre couleurs du manchot empereur et dont les bandes sont proportionnelles à la surface des couleurs  de l'animal. Bien sûr, je ne l'ai pas conçu immédiatement : il a d'abord fallu s'immerger dans ce milieu très particulier où il n'y a que quelques hommes et des animaux marins. J'ai pris quelques notes et je l'ai réalisé plus tard.L' élément le plus important est la rencontre avec d’autres personnes. Par exemple, quand on a tourné Première neige au Pays Dogon, on a jeté 800 kg de "flocons "de coton du bord de la falaise… Les gens du village y ont tous participé. Nous avions besoin d’être nombreux ce qui a permis de réunir les hommes et les  femmes (relayées en général aux tâches domestiques ) pour faire partie intégrante de l'oeuvre. Dans ce cas, j'avais mûrit le projet quelques mois auparavant lors d'un premier séjour au Mali puis proposé à l'institut culturel qui m'invitait.

Vous avez filmé ce projet. La vidéo constitue-t-elle l'œuvre ou bien est-ce plutôt la performance ?
L'œuvre, c'est le sentiment qu'on éprouve autour de la chose. Le moment que l'on a vécu a été exceptionnel et il a également été très politique vu que des femmes généralement non conviées  y ont participé. C’est une chose dont je me suis rendu compte des années après. Néanmoins, je suis convaincu que ce qui a rendu la chose possible, c'est la joie qui émanait de cette rencontre.

Y a-t-il une intention particulière lorsque vous réalisez une œuvre ? Essayez-vous de faire passer un message dans vos productions artistiques ? 
L'intention est d'abord d'en être moi-même le spectateur et de vivre une forme de poésie dans ce monde commun. Dire à quoi sert telle ou telle œuvre, vouloir faire passer un message sont des notions qui ne m'intéressent pas. En ce qui concerne la falaise de Bandiagara où a été réalisé Première neige au Pays Dogon, il s’agit d’un endroit où la perception de l'espace et du temps nous projette dans une sorte d'émerveillement permanent.

 
Désirez-vous ainsi vous détacher du matérialisme ? 
 ?… Mon projet est ancré dans la vie, il a pour but de lui donner de l'épaisseur. Ce qui m'intéresse, c'est la subtilité, pas l'explication prosaïque. Je suis intrigué par ce quelque chose d'évident, de reconnaissable, mais dont on ignore l'identité. C'est une perception claire mais dont la transcription dépend de ce que l'on vit et de comment l'on regarde.

Vous prenez souvent en photo vos œuvres, qu'il s'agisse d'objets physiques comme une création en verre, de scènes de tournage comme Bruno, l'âne et les papillons ou encore d'installations qui deviennent ensuite des cartes postales. Pourquoi intégrez-vous la même production sur divers supports ?
La photo, c'est la trace de ce qu'il s'est passé. Elle peut même être plus intéressante qu'un film : parfois j'écris « photo de tournage » alors qu'il n'y a pas eu de tournage, c'est une façon d'amener les gens à réaliser eux-mêmes le film dans un espace mental.

Quel genre d'œuvres avez-vous décidé d'exposer à la Triennale de Vendôme ?
Il y a une trentaine de pièces, certaines sont disposées dans une  grande vitrine horizontale. La région centrale se trouve au coeur de ce très grand lieu qu'est le manège. C'est un Pinocchio de bois réalisé dans la même branche dont le nez monte au dessus de sa tête, passe par l'anus et devient son sexe . Il y a également des dessins et une oeuvre de mes débuts intitulée "les animaux sortent du bois" . 

Avez-vous des projets futurs, outre la Triennale de Vendôme ?
Oui bien sûr. J'ai la chance d'être l'un des quatre lauréats de Fondation François Schneider à Watwiller. À cette occasion, certaines de mes œuvres en relation avec l'eau sont exposées durant l’automne . Je travaille actuellement avec le Centre international d'art verrier de Meisenthal,  ou nous ferons une exposition à la fin de ma résidence . Enfin, il y a un livre qui sortira en septembre en édition bilingue anglais-français (200 pages) chez Actes Sud. C’est une monographie intitulée Chronopoétique .

AMA août 2015

Couteau plume, 2015

Photographies François Lauginie

© Adagp, Paris