Toucher Terre Sud
Série de photographies argentiques
Sélection
Encadrement bois noir et verre
Dimensions : 50 x 50 cm, 80 x 80 cm , 100 x 100 cm et 80 x 120 cm
Christian Bonnefoi (extrait)
« Toucher Terre »
ou
« Maman » !
sont sans doute les derniers mots prononcés par Antée, le Géant gardien des territoires et roi de Mauritanie, l'un des fils redoutables de la Terre ; d'Elle il tirait sa force sans cesse renouvelée par simple contact des pieds ou par le sable dont il recouvrait son corps, comme d'une peau de terre. Héraclès qui dût l'affronter compris l'astuce et au terme d'un long et périlleux combat il saisit Antée dans ses bras, le souleva, le détacha de la Terre et, malgré les gémissements de Celle-ci, l'étouffa. Il mourût donc et fut enterré dans ce pays, dont il fût longtemps le roi, à Lixios près de Tanger qu'il fonda et à qui il donna le nom de son épouse, Tingis, dans l'une de ces contrées arpentées par Florence Chevallier.
« Toucher Terre » est le titre du livre, dont le sous-titre pourrait être « La Revanche d'Antée » ; d'un livre plutôt que d'un catalogue.
Les photographies qui y sont incluses ne laissent pas apparaître, au premier coup d'oeil, l'indice d'une méthode ou d'un thème. Elles échappent à la loi quasi obligatoire du genre qui est la présentation sérielle.
Ce sont des accumulations qui ont fait l'objet d'un tri parmi des centaines d'autres photos, car Florence Chevallier, comme beaucoup de ses confrères, photographie comme elle respire ; mais pas seulement.
Le volume (le livre) auquel ce choix est destiné représente donc un mode d'organisation particulier qui va détourner le cliché, l'instant unique qui est donné d'un coup, pour le déposer et le faire oeuvrer dans une temporalité complexe. Car la destination est la mise en place d'un destin, c'est à dire du jeu infinie de la liberté et de la nécessité à partir d'une expérience individuelle.
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Les photographies choisies sont enserrées, condensées, dans le double monochrome jaune du premier et dernier de couverture. Elles en représentent à la fois le milieu et l'épaisseur ce qui leur confère, en plus de leur caractère unique, l'appartenance à un même lieu, à une matérialité et une épaisseur communes, où elles pourront chacune et de l'une à l'autre, tisser des liens de convergence ou de divergence, en bref : organiser des récits.
Du début et à la fin, de la fin au début, le monochrome jaune décrit le cercle de la Sublime Unité de Poe, une image unique résultant de la somme de toutes les images condensées à l'occasion du mouvement tournant et rassemblant. C'est pour quoi, malgré les apparences, les photos de Florence Chevallier ainsi organisées ne sont pas seulement des clichés : l'instant unique (,) est ici un moment, c'est à dire qu'il s'est élargi à une temporalité plus grande que celle qu'il fixe, métonymie incluse dans une métaphore, et fortement enracinée ; il faudrait parler de l'Instant Tableau :
Photo 1 : penché vers la terre, embrassant le soleil végétal d'un champ de lin en fleurs, l'homme est ici un lien qui unit la terre au ciel, le Nord au Sud : le temps élargi y accueille Van Gogh, qui fit la route à sens unique et qui montra souvent la courbure du dos de paysans inclinés vers la terre, bras ouvert, donnant (semant) ou recevant (cueillant) les produits de la terre teintées de toute la gamme des couleurs (note : La Ferme du Père Eloi, 1880, ou la Moisson de 1988, et bien d'autres), comme des formes unissant sous un seul signe l'homme des plaines de Hollande, du Midi ou de la région d'Auvers. Ainsi la durée et le mouvement viennent à l'image fixe. L'Instant Tableau rencontre son opposé symétrique, le cinéma, sous la forme photographique du photogramme..."








































Vues de l'exposition Toucher Terre Sud, Artothèque de Caen, Palais Ducal, Caen