Architectures à plusieurs puits
Photos : FOTOKINO Vincent Tuset-Anrès
« Dans le livre Images de pensée*, l’ethnologue Marcel Griaule nous rapporte le récit fait par le sage dogon Ogotemmêli d’un homme avalé par un dieu, qui le recrache au sol sous formes de pierres, en les plaçant dans le même ordre que le corps étendu : « C’était comme un dessin d’homme fait avec les pierres ». Si c’est la beauté de l’image qui nous a guidé dans le choix du titre de l’exposition, c’est aussi qu’elle nous renvoie à une histoire du dessin, ancestrale, qui dépasse les outils employés dans ce que l’on nomme dessin aujourd’hui. De ce que l’on pourrait lire de ce mythe, c’est que parfois, le dessin est davantage que l’acte spontané et immédiat retranscrivant une pensée ou une image mentale, mais un geste encore plus organique qui engage pleinement le corps et l’esprit de son auteur. Avec tout le labeur et la physicalité qui en découle. Au sein de cette exposition, les questions de ligne, forme et couleur, pierres angulaires de la composition picturale, sont ici abordées dans leur matérialité et confrontée parfois aux enjeux de composition spatiale. Ce sont d’ailleurs les matériaux eux-mêmes (textile, minéraux, papier, fil, pigments) qui instaurent un dialogue entre les œuvres et les artistes au sein de l’exposition. Et qui nous dévoilent un dessin à l’épaisseur inhabituelle, en quelque sorte.
Le travail présenté ici est le fruit d’une résidence à Cadaqués, réalisée entre novembre 2020 et mai 2021, et centrée sur les faïences du village catalan. La série ARCHITECTURES À PLUSIEURS PUITS s’intéresse aux céramiques de la vie quotidienne du village, aux cruches qui ont servi autrefois pour transporter l’eau, garder le vin et la nourriture, en les confrontant à la forme de la grotte, et à l’idée d’un lieu dans lequel se nicher ou s’abriter. Recueillis sur les plages environnantes, les bris de tuiles, tuyaux d’évacuation d’eau, briques et autres matériaux de la série PAINTING WITH BROKEN TILES, composent de nouveaux paysages donnant une lecture poétique de la cassure. »
Fotokino