Skydôme
La Nuit européenne des musées est l'occasion pour Eternal Network de présenter chaque année une œuvre inédite s'inscrivant dans le parcours des noctambules. Après Nan Goldin, Bruno Peinado et Rémy Yadan, pour l'édition 2014, c'est à une balade sur les toits de la ville à laquelle nous convie Bernard Calet.
Au rez-de-chaussée d'Eternal Gallery, il propose Skydôme, une installation composée de trois sculptures agençant chacune un téléviseur et un skydôme. Skydôme® est une marque déposée et donne son nom aux baies translucides en forme de demi-sphère que l'on trouve sur les toits des constructions contemporaines, permettant de laisser passer la lumière naturelle.
Ceux de Bernard Calet ont ceci de particulier d'être placés au sol, surélevés de quelques centimètres. Ils sont greffés à des téléviseurs diffusant des œuvres cinématographiques.
Si l'on ne parvient pas à en voir les images, les variations lumineuses et colorées des séquences sont filtrées par les petites voûtes convexes diaphanes, animant à la fois leur surface, mais aussi l'espace qui les accueille. Ce principe de « stéréovision » - tel que l'a développé Paul Virilio dans La machine de vison – décrit la télévision par sa double action : elle donne de l'image en même temps qu'elle donne de la lumière. Ceci lui confère un aspect magique ou divin, comme le buisson ardent de Moïse qui est feu mais ne se consume pas. Ces lumières en mouvement donnent vie aux espaces au sens littéral du terme – ne dit-on pas qu'on allume la télé pour avoir une présence ?
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Et ce double principe, associé aux skydômes, crée une poétique atmosphérique. Dissociée des images qui la génèrent, la lumière cathodique filtrant à travers la matière opalescente devient contre toute logique l'évocation d'un ciel couvert et protégé.
La composition sonore de Skydôme concourt au dépaysement de cette promenade sur les toits. Bernard Calet a extrait tous les adverbes de lieux des films qui sont en différentes langues. Ces mots font ainsi irruption dans l'espace et le silence, indifféremment les uns des autres, se chevauchant parfois, brefs et inintelligibles à d'autres moments. Cette question de la déterritorialisation qui croise tout l'Œuvre de Bernard Calet est particulièrement tangible ici. Le skydôme est aujourd'hui visible dans n'importe quel pays, tandis que la forme semi-sphérique se retrouve également dans une grande diversité d'architectures, bulle protectrice, ventre originel.
Le son émanant de ces objets standardisés et mondialisés rappelle justement à son territoire d'origine ; pour nombre d'immigrés, c'est la télévision qui maintient le lien avec le pays natal.
Ces trois petites voûtes célestes et cathodiques nous racontent un voyage sans repères spatiaux, peut-être teinté de mélancolie, certainement un clin d'œil formel avec le pavillon d'octroi, coiffé de son dôme en pierres on ne peut plus opaque.
Skydôme, 2014
Skydômes 25 x 70 x 70 cm, 3 moniteurs 36 cm, lecteur DVD (diffusion d’images de téléfilms portugais, arabe et japonais dont les bandes sons en VO, ont été effacées sauf quand un adverbe de lieu ou de temps est prononcé