Masques
MASCARADES
L’ensemble Mascarades présente des mannequins, sur papier glacé qui vantent des produits de luxe, « redessinés » par divers éléments et matières (punaises, aiguilles, pétales, élastiques) apposés sur les images. Pour construire ces figures escamotées par un geste plastique et photographique, Paul Pouvreau rassemble plusieurs éléments qu’il a sous la main sans avoir immédiatement une idée précise de leur utilité.
« Cela constitue une sorte de banque de données qui vient enrichir mon territoire et mes recherches sur la marchandisation comme les logos, les imprimés publicitaires, les emballages, etc. J’ai donc commencé à récupérer les publicités pleine page de grandes marques dans les journaux sans savoir au départ ce qui adviendrait. Puis peu à peu a germé l’idée d’intervenir sur cette représentation toujours idéalisée et lisse de l’homme et de la femme. J’ai voulu rendre ces visages plus grotesques, parfois même inquiétants en les remodelant par des collages « éphémères », c’est-à-dire des collages qui n’existent que par leur enregistrement photographique. J’avais bien évidemment en tête les collages de Raoul Haussmann, d’Hannah Höch et de Max Ernst qui déstructurent une forme pour en reconstituer une autre. Quand on regarde ceux de Max Ernst, ils sont à la fois très beaux et très oniriques, de l’ordre de la fable, évidemment puisqu’ils étaient destinés à illustrer La femme 100 têtes.
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Pour les Mascarades le propos est autre. J’ai souhaité rendre moins parfaites ces images aux visages sans accrocs et magnifiquement dessinés. J’ai donc apposé sur ces faces d’autres cosmétiques que je nomme des « ingrédients », c’est-à-dire des objets, des matières et matériaux que j’ai souvent sous la main, dans mon bureau comme des punaises, des aiguilles, du sel, des pétales de fleurs fanées, etc. Ces matières sont justes déposées sur la surface imprimée des visages et disposées de telle façon que ces visages prennent l’allure d’un masque fixé par le médium photographique. Ces visages rendent compte de l’aspect périssable de tout ce qui nous entoure, de la beauté qui se fane, des êtres chers qui sont là et qui disparaissent. Les Mascarades renvoient également à l’univers du carnaval qui est aussi une figuration de la mort,de ce passage éphémère sur terre. Dans la représentation que je fais de la femme, je ne crois pas qu’il y ait un trait de misogynie de ma part mais plutôt une interrogation sur l’attrait fascinatoire et puissant que recèle la beauté, proche d’une sorte d’abstraction. Je sais que cette beauté n’est peut-être qu’une façade, un masque sur une réalité plus rugueuse et souvent plus violente que celle que l’on nous met sous les yeux. J’ai souvent le sentiment que mon travail pose une chose et son contraire comme les deux faces d’une image, d’un côté une transparence dans laquelle on se projette, fascinante et absorbante, et d’un autre côté une forme plus opaque et ambiguë : celle qui fait justement écran et à laquelle l’image ne peut échapper si elle veut exister. »*
*Toute chose est son double, conversation entre Isabelle Tessier et Paul Pouvreau in Empreinte du reste, Éd. Poursuite, 2018.
Extrait du texte d'Isabelle Tessier, Directrice de l’artothèque de Vitré