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Ma plaque tombale

1997

J’ai réalisé Ma plaque tombale dans le cadre d’une exposition que j’organisais. Son intitulé Faire son deuil impliquait que les œuvres exposées représentaient l’aboutissement d’un processus de détachement d’une perte individuelle. Il s’agissait pour moi d’accepter l’idée de ma propre mort sans effroi, de pouvoir la regarder en face.

Ma plaque tombale offre une vision du corps fragmentée, descriptive de ses différents aspects avec un souci quasi scientifique (dessus, dessous, sur le côté), une image recomposée qui peut évoquer un montage radiographique. Cette description opère une objectivation de ce corps dont on découvre la symétrie, la conformité, dont on peut observer les détails les plus intimes. C’est une image très froide qui accentue son aspect matériel, transforme la vision et crée ainsi une distanciation. Les photocopies sont inclues dans une plaque de résine qui assure leur conservation, les cristallise, et dénonce ainsi leur nature périssable.
La plaque tombale nous parle du fait de prendre une image de soi comme un moyen d’envisager sa désagrégation, grâce à la dissociation du sujet de son image. Et elle nous parle de la photographie en général, dans son rôle de témoignage, de preuve, dans sa fonction de mémoire et parfois même de substitut (on peut embrasser une photographie, ou lui parler lorsque l’original est absent). Son principe est ambivalent : elle est à la fois une arme contre la perte, et une manifestation de ce qui n’est plus et qui n’a été qu’un bref instant. Elle conserve et en même temps nous parle de l’éphémère : elle oppose une résistance à la disparition de toute chose, et en même temps permet d’en faire le constat.

Actuellement, Ma plaque tombale repose sur un tapis de traversins vétustes, chacun d’eux évoquant l’existence d’un inconnu, le vieillissement et la disparition.

Malgré l’évocation forte (mais non exclusive) de la mort à travers ces différents travaux, il ne s’agit pas pour autant de se complaire dans la morbidité, mais bien au contraire de chercher à jouir de la vie dont la mort est une condition.

Extrait De l'intime au social, maîtrise d'Arts Plastiques de Laëtitia Bourget, 1998

Ma plaque tombale, décembre 1997
Photocopies, résine polyester, traversins 210 X 100 x 25 cm