Rémi Boinot
Damien Sausset
Au creux d’une nuit, je parcourais Patrick Chamoiseau. « Une poétique qui soutient l’étendue autant qu’elle baille en profondeur. Une poétique qui permet une vigilance de tout instant dans les sillons de l’incertain, les fastes de l’intuition, la solitude devenue solidaire. » Et en retour, il m’interrogeait sur ces paroles qu’il faudrait inventer pour attester d’une exposition que je n’avais pas vue. Certes, il y avait bien eu ces nouvelles lointaines, ces extraits de vidéo et quelques instantanés de mers du sud. Et puis, bien après, ces longues conversations en regard d’un fleuve – La Loire. Il y était question de cultures fragmentées, d’individus emportés par un courant nommé globalisation, d’identités fracassées. Il y avait de l’inextricable dans ses paroles, une clarté souveraine aussi; sans doute celle d’un homme qui après une longue absence arrive enfin sur des rivages tant attendus : ceux de la connaissance. Rémi Boinot m’est toujours apparu comme un conteur, un homme feuilletant avec délectation l’invisible caché dans les plis du réel, plaçant ici quelques anecdotes sur les tours et détours de l’imaginaire ; puis, une fois constaté l’impuissance des mots, revenant en arrière pour puiser dans l’épaisseur de la matière le sujet à quelques œuvres ou détournements. Et toujours l’indéfinition comme étant plus porteuse de sens que toutes les sentences définitives.
Les quelques documents reçus attestaient de cela, de cette incertitude du sens, d’une fluidité du regard et de la pensée et de l’imprévisibilité manifeste dans les objets. On y voyait une chambre à air, quelques drapeaux, des photographies, des empreintes fragiles sur de longs papiers, des couleurs acides sur certains murs, et des mots, des mots comme pour mieux conjurer notre impossibilité à penser le « Tout-monde » comme disait Edouard Glissant.
« Dans le Tout-monde on ne se réalise que « dans » et « par » la Relation. » disait Patrick Chamoiseau. Rémi Boinot pourrait ajouter combien cette réalisation du Tout-monde se doit avant tout de surmonter l’absence, l’absence de l’autre comme miroir de nous-même. C’est sans doute cela qu’il convenait de percevoir dans son exposition à Blois.