Quel ailleurs Quel / Trengewekë hna oth
Yann Pérol
Rémi Boinot, « Ramin béni des eaux », artiste-presque qui, à l’individu, à sa singularité fantasmée, à son individualisme, appose un enchevêtrement d’invocations et de convocations comme pensée de son œuvre protéiforme. Aux intersections des références et des jeux de langages se trouvent les failles qui ouvrent sur l’ailleurs, et c’est là que Rémi plonge sa sonde et jette ses hameçons (toutes les conjonctions sont de la partie sauf le « mais »). Et c’est bien là que l’éclatement des mensonges tout humains qu’ils sont et que la mixtion des identités et cultures apparaissent sous forme de dessins , vidéos, installations et textes.
Causes et effets, conséquences et prémices s’hybrident en un fragile, le fugitif et l’éphémère s’entremêlent avec le mouvement inéluctable de l’Histoire-compresseur. La désinvolture feinte de l’artiste balaye une autorité et son définitif usurpateur.
En artiste trublion , il réaffirme que « les choses n’ont pas de signification, elles ont une existence »* et par ses différents types de regard qu’il pose sur le monde, Rémi Boinot brouille alors le regard de celui qui recevra en guise d’expérience artistique un indéterminé : les principaux registres de ses œuvres sont de l’ordre de l’humain (dans ses vérités culturelles, dans sa langue, dans la poétique de la mise à distance et de la nature de l’oubli de soi) tour à tour flamboyants, drôles, absurdes ou graves.
Pour l’exposition Quels ailleurs Quel, l’artiste Rémi Boinot est revenu les cales pleines à craquer d’un vol commis avec consentements. Il a ainsi rempli avec et par ses fantaisies une antichambre d’un monde en miroir inversé. Chaque parcelle de mémoire, la sienne et la nôtre, est le terreau de cette exposition où les usages (dans le plus profond de leurs origines) et les référents brûlants de l’actuel, deviennent l’exponentiel possible du poétique. Un cargo culte contemporain dont on ne saura qui est l’auteur, du regardeur, du mime ou de l’acteur, car Rémi Boinot est l’ethnologue d’un culte dont il est lui-même le prêtre.
Texte de présentation de Yann Pérol
* Fernando Pessoa in Gardeur de troupeaux, Éditions Unes, 2013