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Main courante

Maison de la céramique, Mulhouse, 2001

« Le travail du sculpteur Peter Briggs est pour une grande part une réflexion sur la trace et la mémoire, tant au niveau plastique qu'au niveau formel et invite ainsi le spectateur à une nouvelle expérience plastique.

Ainsi dans ses premiers verres découpés au début des années 1980, nous retrouvions le souvenir du passage de la lumière à travers la matière, du jeu entre I'opacité et la transparence. Certes, Ies principaux commentaires soulignaient l'importance de I'équilibre et du jeu plastique entre la forme découpée et l'architecture. Cependant, en intervenant sur l'espace avec ces grandes pièces de verre, I'artiste nous invitait à retrouver, à réinventer l'angle d'une pièce, à nous souvenir de la structure, de la construction.

Dans les premières pierres, Peter Briggs joue sur deux registres. D'une part, Ia trace de l'outil est omniprésente puisque non seulement formellement mais également visuellement, nous avons souvenir du passage de la scie, et ainsi nous pouvons reconstituer le volume initial du bloc de pierre, avant l'intervention du sculpteur. D'autre part, le geste de l'artiste est encore présent puisque par la simplicité de la forme, nous pouvons reconstituer mentalement la fabrication de I'œuvre.

Utilisant des techniques traditionnelles de déformation du feutre, Peter Briggs a modelé à l'aide de moule, de chaleur et d'humidité, de grandes lés qui gardent la mémoire d'un savoir-faire aujourd'hui de moins en moins usité. Transposer des techniques artisanales dans le domaine de l'art permet à Peter Briggs de participer au travail de sauvegarde de gestes ancestraux.

Shelf Fungus 1, fonte de fer, cire et champignons perdus sur plaque d'acier, 1994-2000.

Pierre et miroir, verre thermoformé, découpé et argenté, pierre calcaire naturelle retaillée, résistance électrique, 1998-2001.

Shelf Fungus 2, fonte de fer, cire et champignons perdus sur plaque d'acier, 1994-2000.

Ainsi, Briggs utilise la technique de fonte à la cire perdue pour réaliser des bronzes dont l'aspect et la texture sont directement liés au matériau employé qui est le bois. À partir de petits morceaux de branchages, il va créer des formes simples inspirées des contours du cœur, en les complétant avec de la cire. Le bronze en prenant la place du bois et de la cire garde alors le souvenir des matériaux consumés. Tel un démiurge, l'artiste défie le temps en remplaçant des morceaux de nature par un matériau dur et résistant. L'objet ainsi créé est cependant ambigu car un cœur est un organe fragile, symbolisant également des sentiments éphémères. Le bronze qui a pris la place du bois et de la cire semble avoir coulé à travers le circuit sanguin, figeant ainsi dans une représentation allégorique la fragilité de la vie.

Dans les biscuits réalisés à Ia Manufacture de Sèvres, Peter Briggs a tenté de transmettre par le biais de la terre le souvenir du geste du modelage. De petite taille, les œuvres reflètent la course des doigts et des mains de I'artiste qui sculpte, modèle, étire, recolle un petit boudin de terre. La simplicité apparente du processus de création met en valeur la mémoire du geste de l'artiste. Les empreintes des doigts, des paumes de la main sont là pour attester du travail manuel qui reflète une volonté de se concentrer sur l'harmonie entre Ie plein et Ie vide, entre l'espace et l'objet sculpté.

Continuant à travailler sur l'espace et le sentiment que nous pouvons en avoir à travers l'expérience visuelle, Peter Briggs a réalisé des objets en verre argenté. Les formes molles sont inspirées des champignons qui poussent sur les arbres. Ces hauts-relief ont une fonction très particulière dans le cadre de l'exposition. En effet, accrochés au mur, ils offrent au visiteur un reflet difforme des autres œuvres exposées demandant ainsi à chacun de les réinventer, reconstituer ou recréer. Jouant sur la mémoire visuelle, Peter Briggs nous invite à projeter nos souvenirs en nous incluant par le reflet à l'œuvre elle-même.

Ainsi Peter Briggs nous invite à partager son expérience de la sculpture en nous proposant de redécouvrir le monde qui nous entoure, tant visuellement que de façon tactile. En nous proposant de reconstituer le processus créatif, de retrouver des formes simples issues de la nature, des matériaux qui permettent une approche sensible du monde et qui rappellent l'outil qui leur a donné une forme, il sollicite notre propre expérience. »

Post-face J'ai la mémoire qui flanche de Blandine Chavanne, octobre 2001.

Éclipse Partielle, fonte de fer et cire perdue, 50 x 26 x 12 cm, 1987-1988.
Over and Over again, fonte de verre, 1989.

Série Barroco mirror, verre thermoformé et argenté, 60 x 70 x 10 cm, 2001.
Four Plus Five Equal Nine, pierre tournée et polie, 75 x 200 x 200 cm hors tout, 2001.

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Vues de l'exposition personnelle Main Courante, Maison de la Céramique, Mulhouse, du 26 octobre 2001 au 6 janvier 2002. Photographies de © Peter Briggs.

© Adagp, Paris