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Manipuler son corps

1998

Avec les photocopies, j’ai travaillé sur le pressentiment de la mort, plus que sur la mort elle-même, celui qui surgit dans des moments de lucidité brutale. Les photocopies agissent comme un révélateur du cadavre en puissance que nous sommes tous, en faisant ressortir le grain de la peau, les taches, les plis, les poils, et les orifices qui sont une menace d’ouverture du corps. Les activités qui en découlent, reposent sur l’angoisse que cette vision de soi entraîne.

J’ai réalisé plusieurs travaux à partir des photocopies et de ma propre image qui produisait une ambiguïté entre vie et mort. D’abord, les vidéos d’animation de mouvements photocopiés : les mouvements sont décomposés par la machine, puis réanimés, montés de manière répétitive, à des vitesses différentes, ce qui crée une grande artificialité. C’est un corps marionnette, une sorte de jouet mécanique et charnel que l’on observe s’ébattre dans une danse répétitive, comme on observe un poisson tourner dans son aquarium ou une souris dans son moulin. Le ton demeure à la fois léger et grave.

Les affiches (agrandissements de fragments de corps photocopiés) sont produits en réaction à l’image publicitaire. Alors que la publicité nous présente le corps féminin « comme un ensemble de fragments parfaits obéissant chacun à des critères esthétiques bien déterminés », l’éclairage et les manipulations au tirage, ou plutôt les retouches numériques, transformant « la chair en une surface uniforme, et le corps lui- même en une série de contours parfaits», toute pilosité gommée, les photocopies, elles, affichent les orifices, les seins, les membres,... aux contours mal définis, émergeant du noir pour nous exposer leur plis, leur déformation par le mouvement, leurs poils, leurs points noirs, leur texture... Le rôle de ces affiches pourrait être comparé à celui des Vanités à l’envers du tableau : elles nous ramènent à notre condition humaine.

Les photocopies sont agrandies (format A0) et collées au mur ce qui leur donne à la fois une certaine monumentalité et un aspect dérisoire. Elles peuvent aussi être rephotographiées puis agrandies. Cette opération leur fait subir un travestissement.

Extrait De l'intime au social, maîtrise d'Arts Plastiques de Laëtitia Bourget, 1998


Manipuler son corps, 1998
Monobande, 4'30''
Musique de Anne-Lore Guillemaud

Vidéo disponible sur demande

Manipuler son corps, 1998
monobande, 4'30''
musique de Anne-Lore Guillemaud

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