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L’image décentrée

ARNAUD CLAASS dans L’image décentrée , un journal ed Yellow Now 2003

« …ou chez Florence Chevallier dans la série Le Bonheur, la dimension théâtrale n’est pas abordée comme simple transfert des pratiques de la scène, mais comme catégorie –pilote

d’une certaine forme de peinture classique, en tant que le théâtre informe cette peinture. On sait que Poussin testait volontiers la solidité de ses compositions en utilisant de petits personnages et des décors en carton…. »

Dans Le Bonheur de Chevallier, l’organisation visuelle des images,de la lumière, des distances, est d’une précision d’orfèvre. Les personnages ne m’y semblent pas seulement étrangers au « bonheur » envolé dans l’ordre même qui voulait lui donner naissance, celui du calme et de l’équilibre où se déploient les objets. Ils sont absents de la sérénité, et même en quelque sorte des images elles–mêmes, comme s’ils montraient qu’ils prêtent leurs corps à ce jeu comme à des vêtements d’emprunt. Ils ne sont pas encore dans les photographies et me donnent l’impression émouvante d’avoir été pris de court. La réalité de leur vie normale est déjà derrière eux, mais ne les a pas tout à fait quittés, je peux voir qu’ils sont là comme acteurs ; la réalité des images, elle, est encore devant eux, puisque si acteurs il y a, ils sont « excédés ». Par quoi la mise en scène fixiste me touche quand son lieu de vérité est dans l’avant » et dans l’après de la prise de vue. Quand elle évite le « spectaculaire » dont a parlé Catherine Srasser dans le Temps de la production, celui qui se borne à la «  lisibilité » et à « l ‘identification sociale ». Quand elle engendre un temps aveugle.

© Adagp, Paris