L'usage des ruines

Pour son exposition à 47.2, Anne Houel s’empare du titre L’usage des ruines¹ et nous fait part de ce qui constitue ses matières premières. Sensible aux mutations architecturales, elle mène depuis plusieurs années un travail d’inventaire et d’observation de petits bunkers individuels appelés «Tobrouks ». De cette confrontation physique éprouvée depuis l’enfance avec ces monolithes de béton, Anne Houel rapporte le souci d’offrir une nouvelle lecture de ces «appareils à survivre »² échoués sur le littoral.

Pour l’exposition, l’artiste déplace le volume fracturé d’un Tobrouk à l’échelle 1 au sein de l’espace pour que le visiteur fasse lui-même l’expérience de la forme. La sculpture adoucie d’une peau sablonneuse oscille entre le statut sculptural et celui de l’aire de jeu de son enfance.

Une fois contourné, le Tobrouk échoué dans l’espace d’exposition nous laisse entrevoir une série de bas-reliefs de béton qui reprennent le plan de masse des différents bunkers dont la surface intérieure est réhaussée de feuilles d’or. Ces Chambres d’or tels des tombeaux deviennent un réceptacle de lumière. Ainsi, les élévations naissantes ne sont pas plus les fondations d’un bunker que des ex-voto, des espaces mentaux.

L’usage récurrent du béton dans la pratique de l’artiste lui permet de dévoiler les différentes peaux du matériau. Un duo d’aquarelles au ciment de la série Bunker archéologie accompagne la scénographie. Ces visions de volumes flottants dans l’espace de la feuille gagnent en légèreté et la rigueur de l’architecture tend à s’effacer par l’évitement volontaire d’une confrontation avec le paysage qui normalement les reçoit.

Anne Houel fait matière de l’architecture, de ses matériaux, de son histoire passée et propose une œuvre sensible faite de formes empruntées et de matières rudes pour offrir de nouvelles perspectives à ces ruines de l’histoire moderne.